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Gabriel Banon, Politiquement Incorrect.
30 avril 2008

Les 100 jours d'Obama

Article paru dans Maroc Hebdo en avril 2008.


Le 20 janvier dernier Barak Hussein Obama prêtait serment devant une foule en liesse et devenait le premier président noir des Etats-Unis. Le monde enthousiaste saluait le corps électoral américain qui venait de donner une leçon de démocratie aux racistes et aux rétrogrades. Au-delà de l’obamania qui prit toutes les populations, qu’elles soient européennes, africaines ou asiatiques, chrétiennes ou musulmanes, on attendait du nouvel hôte de la Maison-Blanche des actes qui confirment l’espoir suscité par son élection. Il est admis qu’une véritable lune de miel suit toute présidentielle. Il est constaté qu’un état de grâce d’environ cent jours est accordé par l’opinion publique au nouveau venu, lui permettant de prendre ses marques, en lui pardonnant d’ores et déjà les erreurs des premiers pas.

obama-portraitLe 30 avril marque les 100 jours qu’Obama occupe le bureau ovale. Il est évidemment trop tôt pour esquisser le moindre bilan, mais on peut d’ores et déjà faire quelques constatations qui esquissent ce bilan. La crise économique ne laisse pas beaucoup de répit à celui qu’on a élu pour «  que cela change ». Trois mois, cela n’est pas suffisant pour engranger des résultats, mais ont été suffisants à Obama pour imprimer sa marque. Le jeune « néophyte » de Washington s’est coulé avec grâce dans le costume du Président et s’y meut avec une aisance que lui envieraient les vieux baroudeurs de la politique. L’urgence était évidemment la traversée de la crise financière, Barak Obama y a employé l’essentiel de son énergie. La confiance, maître mot de fin de crise, commence à reprendre des couleurs : « une lueur d’amélioration » annonce-t-il. La bourse semble se ressaisir et quelques indicateurs économiques clignotent en vert de temps en temps. Mais, pour le moment, les faits restent têtus, le chômage est au plus haut depuis 1983. L’Amérique a détruit 5,1 millions d’emplois (8,5%). La situation n’empire pas, valeur d’aujourd’hui. Il faut savoir que généralement le dernier indicateur à repasser au vert est celui du chômage. Tous les secteurs sont frappés par la crise à l’exception, en mars, de l’éducation et de la santé où les embauches continuent. La « lueur » constatée par le Président, c’est la hausse inattendue des commandes à l’industrie aux Etats-Unis en février, la première depuis six mois et la pause dans la chute de la confiance des consommateurs.

Obama a fait montre de pugnacité en faisant voter, signer et entrer dans les faits son plan de relance  de 800 millions de dollars. Pour préparer le terrain à des aides encore plus grandes, aux banques en faillites ou à l’industrie automobile, dans un pays où le capitalisme est roi, il n’a pas hésité à plafonner le salaire des patrons, limiter voir supprimer les Bonus, dans les entreprises recevant l’aide de l’Etat. Les républicains se refusent pour le moment au consensus, ils se méfient d’un retour de l’interventionnisme et du penchant des démocrates à dépenser toujours plus.

Sur le plan international, Obama n’est pas resté inactif, bien au contraire. Il l’a dit « tout est urgent ». Après avoir envoyer des signes forts, comme la fermeture de Guantanamo, l’invitation à l’Iran de dialoguer sans conditions préalables, et tout récemment la levée partielle de l’embargo contre Cuba, le Président des Etats-Unis a entrepris un périple mondial qu’on peut qualifier de triomphal. À Londres, il a été l’un de ceux qui ont fait que le G20 fut un succès, à Prague il a fait rêver le peuple avec son souhait de voir le monde débarrassé des armes nucléaires, en Turquie, c’est sa phrase « l’Amérique n’est pas en guerre avec l’Islam et ne le sera jamais » qui émeut le monde arabe. Auprès des foules comme des puissants, le « style » Obama fait mouche. Il a séduit les peuples, les hommes politiques, les journalistes. Il n’est pas une semaine où le président américain ne tend la main à un ennemi d’hier, où il ne cherche à ouvrir le dialogue avec des interlocuteurs hésitant ou récalcitrant. Il a désamorcé la tension Occident-Islam qu’avaient fortement fait croître les huit années de l’administration Bush. De même qu’il a dit ne pas être en guerre avec l’Islam, il a dit qu’il n’était pas en guerre contre les régimes de gauche en Amérique latine. Nul ne peut lui contesté son charisme et la portée de ses discours partout où il s’est rendu. Il faut reconnaître qu’un vent nouveau, apaisé  et apaisant, souffle sur les relations internationales.

En cent jours, Barak Obama a transformé la manière dont le monde voit l’Amérique. Il a prouvé avec éclat, y compris en Amérique du Sud, qu’il était ouvert au dialogue, à l’écoute et prêt à reconnaître les erreurs commises par son propre pays. Il rebat les cartes au Proche-Orient, confirme son soutien à Israël, mais sous conditions, se déclare farouchement partisan de deux Etats : Israélien et palestinien, et le fait savoir, particulièrement au nouveau gouvernement israélien. Il reçoit les dirigeants de la région selon un ballet qui en dit long sur ses nouvelles priorités. Le 21 avril, il recevait en tête à tête le roi Abdallah II de Jordanie,  le deuxième sera le président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui sera reçu le 28 mai prochain. Le Premier ministre israélien, Benyamin Néthanyahou, et le président égyptien, Hosni Moubarak, devraient être reçus à leur tour début juin. Pour arriver à un Moyen-Orient apaisé et en Paix, Obama parie sur Téhéran, la Russie et l’allié de toujours, la Turquie.

À près de cent jours et malgré un taux de popularité de 62%, les anti-Obama n’ont pas désarmé. Ils viennent de lancer une fronde fiscal qui ne manque pas de soutien populaire. Ils ne sont pas contents de la politique budgétaire du nouveau locataire de la Maison-Blanche et le font savoir. À Washington, les élites s’interrogent sur l’activisme d’Obama. Le bilan des dix premières semaines du président donne le vertige à certains élus et conservateurs. Non content d’avoir entrepris la réforme de la santé, de l’énergie et de l’éducation, il s’est aussi attaqué à Guantanamo, à la torture, aux questions éthiques de la recherche scientifique, sans compter un agenda ambitieux à l’international. Il a lancé une activité diplomatique sur plusieurs fronts, ordonné le redéploiement de 17.000 soldats en Afghanistan, établi un calendrier de retrait d’Irak, etc, etc.  Pour ces opposants, le président devrait consacré tout son temps et ses efforts à la récession, sujet de préoccupation principal des Américains. En l’occurrence, ce n’est pas tant le public qui accorde toujours une confiance sans faille au Président, que Wall Street et Washington qui s’interrogent. « Les Présidents ont beaucoup de problèmes à résoudre. Mais personne n’a jamais dit que le meilleur moyen était de tous les résoudre en même temps » a récemment déclaré le sénateur républicain Alexander Lamar. Certains critiques de presse font remarquer que sur les grands dossiers internationaux, on trouverait beaucoup de sourires et d’accolades mais guère de percée concrète. À la décharge du nouveau président, il faut reconnaître que ses trois premiers mois ont été bien remplis. Mais le calendrier va très vite lui imposer d’entrer dans le vif du sujet, comme, par exemple, le conflit israélo-palestinien.

C’est un nouveau Barak Obama qui va devoir surgir sur la scène internationale, un homme d’Etat qui ne pourra plus se contenter de plaire à tout le monde.

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