Lettre ouverte à mes cousins
Mes chers cousins,
Yasser Arafat, quand il parlait des juifs, disait : « nos cousins ». L’Histoire nous enseigne que nous sommes tous les enfants d’Abraham, vénérant un même Dieu, seul et unique.
Homme de convictions, j’ai toujours milité pour l’instauration d’un Etat palestinien, la condition sine qua none, pour la sécurité et la pérennité de l’Etat d’Israël. J’ai mis en harmonie mes prises de position et mes actes, en acceptant d’être le conseiller du président palestinien, Yasser Arafat, dès la signature des accords d’Oslo. Pendant près de dix ans, jusqu’à la mort d’Abou Amar, j’ai été confronté à des attaques, des critiques, des menaces et plus, de certains de mes coreligionnaires qui considéraient que j’avais pactisé avec l’ennemi.
Je n’ai jamais cédé. Aujourd’hui c’est à vous, mes cousins musulmans que j’adresse cette lettre ouverte pour rappeler certaines vérités que ce monde déboussolé a l’air d’avoir oublié.
Manifester son soutien à la cause palestinienne et pour la Paix, est une action des plus légitime. Transformer ces manifestations en chasse au « sale juif » comme cela se passe ces jours-ci en Europe, ne doit laisser indifférent aucun d’entre nous, juifs, musulmans, chrétiens. Rester muet, c’est approuver ces déviations.
Faut-il, encore une fois, rappeler ce que le défunt Yasser Arafat s’escrimait à expliquer sans relâche : « il ne s’agit pas d’une guerre entre juifs et arabes, mais d’un problème entre israéliens et palestiniens. » Une autre vérité que l’on ne doit pas oublier, on ne fait la paix qu’avec ses ennemis. Alors luttons contre la haine, luttons contre les anathèmes, luttons pour la paix.
Je ne crois pas que transformer le soutien de la cause palestinienne en une guerre de religions, rend vraiment service aux palestiniens. L’Islam est une religion de paix et de tolérance. Nous l’avons toujours, depuis des décennies, démontré au Maroc. Pour vraie que soit cette affirmation, nous nous devons d’empêcher que des fanatiques et des égarés endoctrinés par ces mêmes fanatiques, ne viennent défigurer l’Islam que vous aimez et que nous respectons. Les musulmans, cette majorité pacifique et tolérante ne doit pas rester la majorité silencieuse. Nos enfants nous le pardonneront jamais, car nous risquons de leur laisser un monde où seule la haine gouverne.
Le pasteur protestant, Martin Niemöller, arrêté en 1937, envoyé en camp de concentration à Sachenhausen puis Dachau, libéré en 1945 à la chute du régime nazi, nous donne à penser lorsqu’il dit : « le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes. » Et d’expliquer :
« -Quand ils sont venus chercher les communistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas communiste.
-Quand ils sont venus chercher les juifs, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas juif.
-Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas syndicaliste.
-Quand ils sont venus chercher les catholiques, je n’ai pas protesté parce que je ne suis pas catholique.
Et lorsqu’ils sont venus me chercher, il n’y avait plus personne pour protester. »
Mes chers cousins, réagissons avant qu’il n’y ai plus personne pour tirer la sonnette d’alarme.
Comment peut-on accepter, en restant silencieux, qu’un fou ou un frustré endoctriné, tue en se réclamant de l’Islam ? Comment peut-on accepter, en restant silencieux, que des casseurs attaquent des synagogues à Paris aux cris de mort aux juifs, en se réclamant de la cause palestinienne ? La cause palestinienne mérite mieux. Nous nous devons de déclarer haut et fort que nous récusons cette façon abjecte d’enrôler la cause palestinienne.
Albert Einstein disait : « Le monde est dangereux à vivre non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »
A bientôt, chers cousins et Aïd Moubarak Said.
Gabriel BANON
Ancien conseiller de Yasser Araf