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Gabriel Banon, Politiquement Incorrect.
25 octobre 2019

TURQUIE, RUSSIE : FAUX ALLIÉS ET VRAIS ENNEMIS

Voici ma chronique politique hebdomadaire du vendredi

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  Pour comprendre ce qui se passe dans cette région du Moyen-Orient, il nous faut remonter à l’Empire ottoman et celui de la Sainte Russie,  le premier musulman, le second chrétien. 

Erdogan, le président turc, comme Poutine, le Tsar de toutes les Russies, rêvent de leur splendeur passée. Le problème est que la géographie n’a pas changé et pousse à l’affrontement ces deux puissances, malgré quelques accords tactiques.

 La poussée des Russes vers le Sud est une histoire millénaire. Ils viennent du froid, et cherchent depuis toujours un débouché sur les mers chaudes. Mais pour y arriver il a d’abord fallu qu’ils se débarrassent de la tutelle des Mongols, culturellement cousins des Turcs, puis qu’ils bousculent des populations tatares, encore une variante des Turcs, pour atteindre la mer Noire.

Mais la mer Noire est pratiquement une mer fermée. Pour atteindre la Méditerranée il faut passer par le Bosphore. Or c’est le cœur de l’empire ottoman et aujourd’hui celui de la Turquie. 

Chassés des bords de la mer Noire par l’effondrement de l’URSS, les Russes de Poutine s’y réinstallent en enlevant l’Abkazie à la Géorgie en 2008 et en annexant la Crimée en 2014. Le Donbass ukrainien quasi annexé par l’armée russe, n’est pas loin.

 Poutine va contourner la Turquie par le Sud, en implantant une base puissante en Méditerranée, en Syrie, justement.     Aujourd’hui il est l’homme fort de ce pays par-dessus Bachar El Assad. 

 Le rêve ottoman d’Erdogan est contrecarré ainsi, par la stratégie géopolitique de Poutine. Pour lui, comme pour beaucoup de Turcs, le drame a été la disparition de l’Empire lors de la première guerre mondiale. Dans un premier temps, ce fut même celle de l’actuelle Turquie qui était en jeu, car il a fallu laisser de la place non seulement aux Arabes, mais aussi aux Arméniens, aux Grecs et aux Kurdes.

  La stratégie de Mustafa Kemal à lépoque a été de prendre aux Occidentaux ce qui fait leur puissance, constitution, laïcité, droits des femmes ; et alla plus loin en abandonnant l’alphabet arabe et ce pour consolider la laïcité. Aujourd’hui, on idéalise l’européanisation de la Turquie par Atatürk en oubliant que pour sauver son territoire, il a physiquement éliminé les Arméniens et les Grecs d’Anatolie, et ses successeurs ceux de Constantinople, de la côte de la mer Noire et du Nord de Chypre en 1974.

 Quand aux Kurdes, Mustafa Kemal  sabotera la création de leur État prévu par les Français et les Anglais.

La déportation, le massacre ou la soumission des Arméniens, Grecs et Kurdes ont été volontairement oubliés par les Occidentaux la Turquie étant une alliée face à l’URSS, avait bien sûr adhéré à l’OTAN pour être protégée de son éternel adversaire russe.

  Sous le régime kémaliste, ont perduré les cercles religieux ou islamistes représentant une petite majorité de la population. Cette majorité prendra le pouvoir avec l’instauration de la démocratie sous la pression de l’Union européenne qui a donc œuvré ainsi à l’apparition d’une république islamiste.

  L’Europe a étalé sa faiblesse ou son indifférence en ne pouvant empêcher la déportation et le massacre des Arméniens, puis ceux des Grecs et en renonçant à l’État kurde promis. 

Cela découle notamment de la pression américaine favorisant la Turquie, « qui a la plus grande armée de l’OTAN ».

Le soulèvement du peuple syrien contre la dictature de Bachar al Assad, a été pollué par larrivée des islamistes soutenus financièrement et en armement, par les Turcs et les Saoudiens, ce qui a permis à Bachar al-Assad de se proclamer « bouclier anti-islamiste ».

Bachar al-Assad était pratiquement vaincu lorsque sont arrivées les troupes et surtout l’aviation russes à partir de leur base méditerranéenne située dans la région alaouite.

Les alaouites pratiquant une variante du chiisme étaient soutenus par l’Iran, directement ou via le Hezbollah libanais, chiite lui aussi.

L’objectif de l’Iran est connu, réaliser « l’arc chiite » (Irak, Syrie et Liban) lui donnant accès à la Méditerranée.     Les Kurdes d’Irak et de Syrie gênent le milieu de cet « arc »

La politique des divers gouvernements d’Ankara vis-à-vis des Kurdes de Turquie a plusieurs fois changé. Elle leur est maintenant hostile depuis plusieurs années, du fait de l’alliance du principal parti turc, l’AKP du président Erdogan,  avec le parti ultranationaliste MHP. La répression tournera à la guerre civile vers  2010. 

On comprend donc que le président Erdogan craigne, ou fasse semblant de craindre, d’avoir une entité autonome kurde de Syrie à sa frontière sud.

Erdogan proclame vouloir déporter les refugiés syriens qui sont en Turquie, de plus en plus mal tolérés par la population turque, pour les installer au nord de la Rojava dont on aura expulsé les Kurdes. 

En effet l’inquiétude électorale du président Erdogan est grande depuis l’élection municipale qui lui a fait perdre la métropole, Istanbul dont une partie de la population est kurde, et la capitale, Ankara. Il a perdu son principal atout, la réussite économique, alors que son autoritarisme et son islamisme vont croissant.

Donald Trump ayant décidé de rapatrier les soldats américains, pour des raisons électorales lui aussi (c’était sa promesse de campagne), vient de trahir les Kurdes qui se sont faits tuer en luttant contre État islamique. Ce retrait a donné le feu vert de fait à l’offensive turque contre la Rojava. Et va probablement permettre à l’État islamique de sortir de la clandestinité et de reprendre ses opérations, les Kurdes étant occupés ailleurs et n’ayant plus l’appui des forces spéciales américaines et françaises.

La Rojava étant un territoire syrien, l’armée nationale est venue au secours des Kurdes, ce qui n’a été possible qu’avec l’aval de la Russie. Revoilà nos deux alliés/ennemis face à face.

Erdogan a perdu la première manche de sa recherche impériale en échouant à éliminer Bachar el Assad pour le remplacer par un féal sunnite, proche comme lui des Frères musulmans.

Les résultats de la deuxième manche se limitent pour l’instant à l’occupation de quelques kilomètres carrés de territoire syrien qu’il lui faudra probablement quitter un jour ou l’autre.

Erdogan, en fait, essuie un échec brulant pour son rêve impérial de la Turquie La réussite de Poutine est par contre éclatante : la démission américaine lui a permis de retrouver le rôle international qu’avait l’URSS dans la région.

La géographie étant aussi têtue que les faits, Moscou ne viendra jamais fondamentalement au secours d’Ankara et imposera sa stratégie en Syrie au président turc Erd

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